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Il y a presque deux siècles, déjà ...

Circulaire du ministre de l'intérieur aux préfets.

Le comte Corbière, ministre de l’intérieur

20 août 1825.

Enquêtes administratives de commodo et incommodo.

Les enquêtes administratives de commodo et incommodo auxquelles il est procédé sur les demandes des  conseils municipaux en autorisation d'aliéner les propriétés communales, ont pour objet de constater l'opinion des tiers intéressés au sort de cette propriété, et d'éclairer l'autorité supérieure sur le mérite des projets qui lui sont soumis. Il importe donc que les habitants, qui sont les tiers intéressés à la conservation des propriétés communales dont ils jouissent par des voies plus ou moins directes, soient mis à même de s'expliquer librement sur les inconvénients et les avantages des aliénations projetées, et que leurs déclarations soient assez motivées pour qu'on puisse y trouver le moyen de les apprécier à leur véritable valeur. Cependant ces conditions sont rarement remplies. Le comité de l'intérieur a remarqué, et j'ai eu souvent occasion d'observer, que les enquêtes de commodo, trop négligées et presque toujours irrégulières dans les communes rurales, n'offrent aucune des garanties qu'on y cherche et se réduisent alors à une vaine formalité. Les unes sont rédigées par le maire sous les yeux des déclarants, qu'ont dû gêner la présence de ce fonctionnaire et la crainte de blâmer un projet qui est ordinairement sa pensée. D'autres ne contiennent que des déclarations sans motifs, ou dont le nombre, insignifiant par rapport à la masse des intéressés, ne peut être considéré comme l'expression du vœu général. Souvent même on voit figurer dans une série de votes, déjà insuffisante, les noms des membres du conseil municipal qui ont délibéré sur le projet en question, et qui, formant ici double emploi, ne servent qu'à dissimuler le vide réel de l'enquête. Il n'est pas rare non plus que des informations de commodo, effectuées sans avoir, été annoncées, ne renferment que des votes émis par un choix de personnes nominativement appelées, et dont le dire est bien moins l'effet de la conviction personnelle que d'une complaisance convenue. De pareils actes ne peuvent ni éclairer la religion, ni mériter la confiance de l'autorité, et je les signale ici comme autant de vices qu'on doit s'attacher à écarter d'une information franche et légale.

Les règles à suivre, en cette circonstance, sont d'ailleurs simples et n'ont rien qui puisse gêner l'administration dans aucune localité. L'enquête dont il s'agit est faite par les moyens propres à l'autorité administrative, et ordinairement sans frais, surtout lorsque l'objet de cet acte n'est pas de nature à justifier ou a nécessiter, par son importance, des formalités onéreuses.

Elle doit être annoncée huit jours à l'avance, à son de trompe ou de tambour, et par voie d'affiches placardées au lieu principal de réunion publique, afin que les intéressés ne puissent en ignorer, et parce que cette publicité autorise à compter le silence des absents comme un vote affirmatif.

J'ajouterai que l'annonce doit toujours être faite le dimanche, qui est le jour où les intéressés se trouvent habituellement réunis, et qu'à l'égard de l'exécution, le moment préférable est celui où la suspension du travail laisse plus de liberté à ceux qui doivent y prendre part.

Il est essentiel que le préambule du procès-verbal, dont il est donné communication aux déclarants, contienne un exposé exact de la nature, des motifs et des fins du projet annoncé.

Tous les habitants appelés et admis sans distinction à émettre leur vœu sur l'objet de l'enquête doivent expliquer librement ce qu'ils en pensent, et déduire les motifs de leur opinion, principalement quand elle est opposée aux vues de l'administration qui les consulte.

Les déclarations sont individuelles et se font successivement ; elles sont signées des déclarants ou certifiées conformes à la déposition orale, pour ceux qui ne savent point écrire, par la signature du commissaire enquêteur, qui les reçoit et en dresse immédiatement procès-verbal.

Lors même que les déclarations sont identiques, elles doivent être consignées distributivement dans le procès-verbal, indépendamment les unes des autres, avec leurs raisons respectives, et, autant qu'il est possible, dans les termes propres aux déclarants.

Quant au commissaire enquêteur, l'inconvénient qui s'attache au choix du maire, dans bien des circonstances, est facile à sentir, et vous apprécierez l'observation que j'en ai déjà faite. D'un autre côté, rien n'empêche que le soin de l'enquête ne soit confié au juge de paix, non pas comme juge, mais comme personne capable et habituée à ces sortes de fonctions.

Dans les communes où il n'y a pas de justice de paix, c'est au sous-préfet à déléguer tout autre fonctionnaire dont la capacité et le désintéressement personnel dans la cause lui sont assez connus pour garantir, l'exactitude de sa mission.

Quoique la formalité de l'enquête ne soit strictement nécessaire que dans le cas où la commune     dispose de ses droits de propriété, qui' appartiennent au corps des habitants, il est des circonstances où ces derniers peuvent être utilement consultés sur des projets d'acquisitions, soit à raison de l'importance des actes, soit parce que la publicité du projet ferait naître une concurrence avantageuse pour l'administration entre plusieurs propriétaires qui offriraient également de traiter avec elle. Mais l'utilité de cette précaution n'étant que relative, c'est à vous à l'apprécier dans votre sagesse, et à n'ordonner l'information qu'autant qu'elle vous paraîtra propre à fortifier les garanties que présente l'instruction ordinaire en matière d'acquisitions communales. Alors il devra y être procédé dans les formes ci-dessus établies.

Je vous invite à rappeler ces règles aux maires des communes de votre département.

Le 20 août 1825, par le comte Corbière, ministre de l’intérieur

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Dernière mise à jour : 21/09/2009